Stress et traumatisme, pourquoi certains événements continuent d’influencer nos pensées et nos comportements des années après ?
Lorsqu’on traverse une épreuve difficile, il n’est pas rare que certains effets persistent longtemps après. Des réactions disproportionnées, des évitements, un sentiment de danger permanent… Mais s’agit-il de stress, de traumatisme, ou d’un mélange des deux ?
La distinction semble parfois floue, pourtant elle change tout dans la manière de comprendre son vécu et d’être accompagné.
Dans cet article, nous reviendrons sur l’histoire du traumatisme psychique, sur la manière dont le stress fonctionne dans notre corps, et sur ce qui fait qu’un événement peut continuer à peser sur notre vie bien après qu’il soit passé.
1. Comment la psychologie a construit la notion de traumatisme
La vision moderne du traumatisme psychique ne s’est pas construite en un jour. Plusieurs grandes figures ont façonné ce concept au fil du temps, entraînant des approches thérapeutiques très différentes.
Pierre Janet : le traumatisme comme effraction psychologique
À la fin du XIXe siècle, le psychologue et médecin français Pierre Janet propose une idée révolutionnaire :
un traumatisme naît d’un évènement marquant externe qui vient « faire effraction » dans un terrain psychique fragilisé.
Pour lui, un trouble apparaît lorsque :
- un événement choquant survient, et
- la personne n’a pas la capacité psychique de le métaboliser.
On est donc dans une vision duale : l’événement + la fragilité préexistante.
Freud : du choc externe au monde interne
Freud s’est lui aussi intéressé au traumatisme, notamment en travaillant avec les soldats touchés psychiquement après la guerre.
S’il reconnaît le choc comme facteur déclencheur, il s’oriente ensuite vers une analyse différente :
ce n’est pas tant l’événement lui-même qui compte, mais la manière dont il est vécu intérieurement.
Selon lui, les névroses ne viennent pas d’un fait extérieur mais de conflits internes, de fantasmes, de représentations, et d’un fonctionnement psychique fragilisé. Le traumatisme devient alors une notion psychique, et non plus événementielle.
1980 : le tournant du DSM et l’émergence du PTSD
En 1980, la psychiatrie américaine rompt avec l’héritage psychanalytique européen jugé trop théorique.
Le DSM-III introduit alors le Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD), ou État de Stress Post-Traumatique (ESPT).
Le traumatisme y est défini de manière plus biologique, comme une réaction du système nerveux à un événement pouvant menacer l’intégrité physique ou psychique.
On revient ainsi à une approche neurobiologique du trauma.
2. Stress et traumatisme : deux réactions très différentes
Même si les deux notions sont souvent confondues, elles n’ont ni la même origine, ni les mêmes conséquences.
Le stress : une réaction d’adaptation
Dans les années 1950, le physiologiste Hans Selye décrit le stress comme un syndrome général d’adaptation :
c’est la réaction réflexe de notre organisme lorsqu’il perçoit une menace ou une demande inhabituelle.
Le stress est donc :
- physiologique (sécrétion d’adrénaline, hypervigilance),
- psychologique (tension interne, inquiétude),
- biologique (système nerveux activé).
Il s’agit d’un mécanisme normal, automatique et indispensable : notre corps se prépare à agir pour nous protéger.
Définition simple :
→ Le stress, c’est une réponse réflexe et immédiate face à une situation perçue comme une menace.
Le traumatisme : quand la réaction se fixe dans le temps
Le traumatisme, lui, est tout autre chose.
Il décrit une situation où l’événement dépasse les capacités d’intégration psychique de la personne.
Le DSM décrit plusieurs symptômes caractéristiques :
- souvenirs envahissants (flashbacks, rêves, reviviscences),
- évitement des situations rappelant l’événement,
- émoussement affectif et isolement,
- hypervigilance constante,
- et une durée de plus de 6 mois.
Le traumatisme correspond donc à une réaction qui n’a jamais pu s’éteindre.
3. Pourquoi répète-t-on des comportements qui nous font souffrir ?
Une question revient souvent :
Pourquoi, après un traumatisme, adoptons-nous des réactions qui aggravent notre souffrance ?
La réponse est paradoxale mais logique :
le cerveau traumatisé cherche toujours à réduire la tension interne, même si cela produit des comportements nocifs.
Exemples :
- éviter pour ne pas souffrir → soulagement immédiat, mais anxiété amplifiée à long terme ;
- s’isoler pour ne pas être débordé → apaisement temporaire, mais perte de lien social ;
- réagir de manière agressive → se protéger, mais détériorer les relations.
Ces comportements ne sont pas des « défauts » mais des stratégies d’adaptation devenues inefficaces.
Elles s’enracinent sur une croyance centrale :
« Je ne suis pas capable de faire face. »
C’est ainsi que se met en place un cercle vicieux, entre tension interne, réactions inadaptées, sentiment d’échec et retour du stress.
4. Le traumatisme n’est pas une fragilité : c’est une stratégie de stress qui s’est figée
Il est essentiel de comprendre que le traumatisme n’est pas une « folie », ni une preuve de faiblesse.
Ce n’est pas non plus forcément le signe d’une fragilité antérieure.
Il s’agit plutôt :
- d’un événement perçu comme insurmontable,
- d’une réaction de stress qui s’est figée,
- et d’une perte progressive de confiance en sa capacité d’agir.
La guérison passe par :
- comprendre l’événement,
- comprendre nos réactions, passées et présentes,
- restaurer l’estime et la confiance en soi,
- réintégrer l’événement dans notre histoire au lieu de le laisser figer nos comportements.
C’est cette compréhension qui permet peu à peu de retrouver la liberté d’agir et de penser.
Conclusion : distinguer stress et traumatisme pour mieux avancer
Le stress est une réaction immédiate, adaptative, naturelle.
Le traumatisme est une mémoire de stress figée, un système d’alarme qui reste actif alors que la menace n’est plus là.
Comprendre cette différence change tout : elle permet de sortir de la culpabilité, de reconnaître que les comportements « inadaptés » ne sont que des tentatives de survie, et d’entrevoir le chemin pour reprendre le chemin de sa vie.
Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à laisser un pouce levé, cela m’encourage à continuer.
Pour aller plus loin, je vous offre votre premier rendez-vous de 30 min. Contactez-moi !
En attendant le prochain article, je vous souhaite le meilleur dans la vie, vous y avez droit !



